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Sydney's blue

13 février 2006

Sydney’s blue

Index : 

1.

2.

 

 

4PM, Australian coast. 

 

« Je n’ai jamais voulu être acteur, mais mon destin en a voulu autrement. Je n’ai jamais voulu être célèbre, ni riche, aussi invraisemblable que cela puisse paraître. Non, ce que j’aurais voulu, c’est être pêcheur de perles à Broom, comme mon grand père. J’ai toujours aimé la mer, la plage, les perles et les petits endroits tranquilles à l’abris des regards, peut-être sous l’ombre d’un arbre, avec le sable à mes pieds et les vagues juste en face de moi. En train de boire un cocktail dans une noix de coco ouverte, avec une ombrelle colorée à l’intérieure. Protégé du soleil par un grand chapeau de paille. Les nuages se laissant porter par le vent, brisant le bleu du ciel de leur blanc immaculé. En fait, oui, j’aimerais cette vie, je l’envierais presque.

 

Enfin, maintenant j’ai tout ce qu’un homme aurait aimé avoir. J’ai peut-être même plus que certains ne l’ont jamais espéré. Mais, on dit que ce n’est pas l’argent qui fait le bonheur, et je dois dire que c’est vrai. J’ai raté deux fois l’occasion d’avoir une vie parfaite. La première quand je suis parti pour Sydney. La deuxième quand je n’ai pas dit oui à Ava.

 

Finalement, c’est peut-être aussi bien comme ça. J’ai certainement vécu plus de choses fantastiques que je n’en aurais jamais vécue autrement. Mais ces remords me rongent toujours un peu plus. Malgré tout, comme je me dis souvent : demain est un autre jour. »

 

 

 

1.

 

2PM, Sydney’s road, 紅葉生明 Kaede Asami. 

 

Kaede roulait les cheveux au vent et la musique aux oreilles en direction du restaurant indiqué par son ami. Anton était toujours de bon conseil, et cette fois-ci, il avait tout intérêt d’être à l’heure. Il s’arrêta, descendit de la voiture, claqua la portière puis regarda à gauche et à droite pour trouver son ami. Il n’était pas là. Kaede s’assit, chercha dans sa poche une cigarette quand une voix l’interpella :

 

- Doin’ a smoke-oh ?

 

Cette habitude de parler l’australien n’était pas vraiment ce que Kaede préférait chez Anton, mais il s’y était habitué à force de le côtoyer. Ils entrèrent dans le restaurant-pub, le « old surfer’s restaurant », qui ressemblait par ailleurs plus à un pub qu’à un restaurant. Sa particularité était que le fond donnait directement sur le pacifique, sans mur ni même de vitre, sauf durant l’hiver austral - c'est-à-dire entre avril et octobre -, où s’étirait la baie vitrée. Fait presque entièrement en bois léger craquant presque sous les pas, le bâtiment ressemblait plus à une coquille naturelle qu’à un amas de béton. Depuis quelques années, les bâtiments anglais –londoniens ! – cédaient la place progressivement à des bâtiments mêlant agréablement verre et métal, dans un style plus élancé, et généralement plus naturel, avec l’utilisation exclusive de bois dans quelques rares bâtiments comme le « old surfer’s restaurant ».

Ils demandèrent à une serveuse où était leur réservation, essayant de ne pas se faire voir de la plupart des clients attablés. Elle leur indiqua un petit encart à côté d’un mur.

La chemise blanche de Kaede n’était visiblement pas assez commune pour que quelques têtes ne se tournent pas vers lui. Il essaya d’éviter les regards lancés sur lui, tout en gardant son calme, il resta droit et décontracté en avançant vers leur table.

Les deux hommes s’assirent, jetant un regard amusé sur la coupe de fruits placée au centre de la table, traitement réservé à toute personne ayant commandé une table quelques jours à l’avance.

 

- Ils savent toujours recevoir ici.

 

La phrase d’Anton resta quelques secondes sans réponse.

 

- Excuse-moi, j’étais en train de réfléchir à quelque chose.

- Pas grave, écoute, j’ai bien ce que tu me demandes, mais je ne suis pas sûr de la qualité de l’affaire.

- Tu veux dire que je dépense 800$ dans un cadeau sans même savoir s’il en vaut la peine ?

 

Anton demeura silencieux, regardant par la petite ouverture carrée à même le mur de bois, coupant la vue en deux parties, sur la droite la plage et les hôtels adjacent, et sur la gauche l’océan.

 

- C’est pas ce que j’ai voulu dire, c’est plutôt que … enfin tu sais, moi et les importations, c’est pas mon truc.

- Hey, sois tranquille, depuis le temps que ça existe … et puis, sans parler de toutes les polices d’assurances que tu peux avoir, pour un peu tu récoltes une somme incroyable si le colis ne vient pas.

- Ouais, t’as raison. Certainement que … bah, je sais pas en fait, j’ai toujours de mauvais pressentiments.

 

La serveuse vint à leur rencontre, demandant ce qu’ils désiraient prendre.

 

- Je prendrais un martini.

- Je suis.

 

Anton ne savait jamais quoi choisir quand il était dans un bar. Kaede l’avait remarqué, puisqu’à chaque fois il disait « je suis. » ou alors « pareil pour moi. ».

Le silence revint à leur table, tandis qu’aux alentours les conversations étaient toujours présentes, donnant une ambiance agréable à l’établissement. Le japonais regarda la coupe, et eut une moue amusée quand il se rendit compte que les fruits avaient spécialement été choisis en fonction de leur couleur et de leur taille. « Un travail minutieux, c’est un bon endroit, ils doivent certainement essayer de maintenir leur réputation. » Il hésita un instant à prendre la grappe de raisin verte, mais laissa cette pensée dans sa tête, sans esquisser le moindre geste.

 

- Quand est-ce qu’arrive le paquet ?

- Je crois qu’il est censé arriver demain, ou après demain. Directement de l’usine à chez moi. D’ailleurs, pourquoi est-ce que tu tenais tant à ce que ce soit chez moi ?

- Je n’aime pas que l’on sache où j’habite, tu sais avec mon métier …

- Je comprends, tu penses à tout.

- Tout, peut-être pas, mais moins je laisse d’indice pour les stalkers, mieux c’est. Et puis, j’aimerais bien garder la surprise.

- J’te comprends.

 

L’antillais souris l’espace de quelques instants, sourire auquel Kaede ne répondit pas. Il se redressa sur son siège en cuir, et regarda rapidement les clients attablés. La moitié d’entre eux étaient des couples, certainement un quart d’homme d’affaire à en juger par leur costume bleu, et un autre quart de jeunes prenant une bière ou un alcool de la sorte. Personne ne le remarquait, il en profita pour sortir son PDA.

 

Rapidement, il passa les différents dossiers avec son stylet et arriva sur les nouvelles du jour. Ce n’était pas son passe temps favoris, mais les informations sur le cinéma sur ce site étaient de tout premier ordre, et pour cause, elles étaient données par les grandes maisons, studios ou « indépendants » : Miramax, Universal, New Line,

la Fox

, Sony et d’autres moins connues. Depuis le début, Miramax s’était avérée être la compagnie à suivre, et les studios perdirent progressivement de leur influence. Les films de ces derniers ne marchaient plus ; c’étaient les dures lois du marché.

Il tomba sur les informations qu’il désirait : Maintenant que Steven Spielberg, Martin (Marty) Scorcese, Tim Burton, Ridley Scott et autres J J Abrams s’étaient retirés du cinéma et que Peter Jackson était devenu le seul réalisateur de films à budget « hollywoodien », les réalisateurs indépendants avaient retrouvés de leur superbe, tout en restant dans la nouvelle donne : l’indiemercial. Terme compliqué pour désigner les films lancés par Miramax dans les années 90, qui ont finalement envahit le marché, ce subtil mélange entre film d’auteur et film de genre tels Pulp Fiction” ! L’instigateur du genre, plus même que Sexe, Mensonge et Vidéos ou Reservoir Dog était le cheval de bataille des compagnies. Quentin Tarantino était le principal acteur de cette nouvelle scène cinématographique.

L’indiemercial était le type même de film à petit budget (dépassant quand même largement les quarante millions de dollars) rapportant soit des masses colossales d’argent, soit juste de quoi se maudire de l’avoir produit. Les maisons telles que Miramax connaissaient très bien ce genre de situation, et les studios s’étaient pris au jeu dans vers la fin des années 90, début 2000. Cependant, on pouvait noter que les maisons indépendantes étaient devenues des studios. Pour reprendre une phrase de Tarantino résumant l’évolution des maisons de productions indépendantes : « Y’a pas à tortiller, Miramax c’est un studio. »

Kaede regardait un petit nouveau qui n’arrêtait pas de monter depuis quelque temps, un certain Marc Angelo, américain d’origine italienne, qui faisait de chacun de ses films un grand succès commercial et artistique. Son dernier film n’allait pas tarder à sortir en salle, et la presse spécialisée était déjà à l’affût. Ses films étaient l’essence même de l’indiemercial, couplée a de l’action des studios. Une sorte de film au scénario complexe sans être compliqué, ne se perdant ni dans les dialogues, ni dans les effets spéciaux. Angelo allait certainement succéder à la place de Roi de Tarantino dans les années qui suivraient.

Il retourna à la réalité quand la serveuse revint les voir avec leur commande.

 

- Pour vous messieurs, avec les compliments du barman.

 

Les deux hommes regardèrent brusquement le barman, qui leur fit un léger signe de son bar. La serveuse leur avait laissé deux verres de Martini avec quelques spécialités de l’établissement. Ils firent rapidement une inspection de la pièce quand Kaede intervint :

 

- Tu crois qu’on nous a reconnus ?

- Je pense pas. Je crois qu’en fait, c’est parce qu’on a commandé une table à mon nom, et … en fait, oui, peut-être qu’il t’a reconnu.

- Il n’a pas pris de photos j’espère.

- Je crois pas, je vois pas de portable, ni d’appareil braqué sur nous, et le gars au comptoir semble bien occupé avec les clients.

 

Kaede se raidit sur sa chaise, ce genre de surprises n’était pas vraiment ce qu’il appréciait depuis qu’il avait rencontré le succès.

 

- Je crois qu’il ne faut pas trop s’en faire.

 

La phrase d’Anton ne rassura pas Kaede. Il savait que quelqu’un était au courant de leur présence. Peut-être qu’un paparazzi était en train de les guetter en haut de l’un des immeubles bordant la plage, et donc du restaurant. Depuis qu’ils avaient trouvé une personne suffisamment discrète dans la vie pour ne pas être pris en photo tous les jours comme la plupart des autres, quand le moindre cliché valait de l’or, ils étaient aux affûts, tous les jours et partout. Maintenant, ils leur fallaient seulement repartir le plus discrètement possible, se séparer comme deux inconnus dans la grande ville qu’est Sydney.

Anton lança une idée :

 

- Hep, que dirais-tu de partir en premier, je reste là à siroter le martini, comme ça, on réduit les chances de se trouver en couverture dès demain sur les tous les E-mag des kiosques …

- Bon, on fait ça alors.

 

Un clin d’œil entre les deux hommes suffit à déclencher le signal. Kaede repartait rapidement vers sa Saab, pour reprendre la route vers sa résidence dans la banlieue riche de la métropole.

 

 

4PM, Daily Dream building. Josh Springton. 

 

- … Et tu me retrouves ce foutu Asami par tous les moyens, tu comprends, par TOUS LES MOYENS !

- Chef, je …

- Ecoutes, t’es là depuis deux ans, et moi j’ai fondé la compagnie, alors pas de commentaires, sinon t’es viré !

 

Josh se retira du bureau de Steven Andiron, chef suprême de l’E-mag Daily Dream. La tension qu’engendrait l’acteur australien était telle que la situation dans les locaux était comme une bombe sur le point d’exploser. Surtout avec un chef comme Andiron. Tel Harvey Weinstein, Andiron était un impulsif qui avait du flair, parfois trop, mais qui était surtout un homme tournant aux 10.000 volts. Josh n’était qu’un simple photographe. Le rapport de force n’était pas équitable. Il jouait son poste tous les jours, mais que ces derniers temps, il semblait que chaque journée était semblable à une année entière.

Springton regagna son bureau – 3 étages plus bas - à côté des autres dans la pièce toute ambrée boisée qu’était la rédaction. Les pianotements de clavier et les quelques discussions le ramena dans l’univers qu’il côtoyait tous les jours. Dehors, le soleil de l’été austral était encore haut. Il s’assit devant son bureau, regarda sans grand intérêt l’écran de son PC pour voir si un mail était arrivé. Amy vint l’interrompre en s’asseyant sur son bureau:

 

- Alors Josh, on a eu un rendez-vous avec le big-boss ?

 

Josh soupira.

 

- Qu’est-ce qu’il t’as demandé cette fois-ci hein ?

- Plus que l’impossible.

- Tu peux être plus explicite ?

- Kaede Asami, l’acteur le plus en vue, mais le plus discret que l’histoire du cinéma actuel à produit. Je n’arrive pas à croire que je me suis mis dans un pareil pétrin. Je connais rien de rien à lui, nada.

 

Amy, grande brune au teint halé, était la seule femme que Josh n’a jamais su vraiment définir. Elle mit sa main sur son visage.

 

- Il faut croire que tu joues avec la malchance.

 

Elle se leva. Josh repris :

 

- Il va falloir que j’écume les soirées. Parler aux surfeurs de la côte, puisqu’ils sont généralement de bons informateurs. Demander aux patrons de bar, aux boîtes, les trucs VIP, j’en passe et des meilleurs.

 

Sa voix supposa déjà l’abattement qu’il allait avoir dans les jours à venir.

 

- Il ne manquerait plus qu’il déménage !

 

Josh regarda Amy qui souriait après ce qu’elle venait de lui annoncer. Il regarda rapidement ses mails, et vit la personne à même de lui fournir un petit renseignement sur Asami.

 

« Reçu de : A.Carter Objet : Prises de (longues) vues

 

Hey Josh, j’ai vu un acteur qui te rendra célèbre si t’arrives à le choper : Asami. Il est passé près de la côte dans une superbe caisse, une Saab, tu sais le CC dérivé de l’Aero X … 150.780$ à ce qu’avait jugé un mec spécialisé dans les « luxueuses ». Bon, je sais que les voitures c’est pas vraiment ton truc, mais si t’arrives à la repérer ou même une bagnole semblable dans la ville, choppe son numéro d’immatriculation. Ca pourra peut-être te servir.

A part ça, tu ferais mieux de jeter un œil du côté de la plage, j’ai vu quelques filles qui pourraient bien devenir modèles, je n’ai pas pu t’envoyer de photos, mon portable n’a plus de batteries ! En tout cas, faut qu’on se voit, j’ai pris quelques coordonnées, et je peux t’assurer que tu peux te faire un max de thunes avec elles !

A plus mec,

 

AC »

 

AC n’était pas le type de personne que l’on évite. Toujours affublé d’un short de surf, exhibant ses muscles à qui veut les voir, c’était un informateur de premier ordre, doublé d’un ami d’enfance. Josh pensa que cette affaire ne serait peut-être pas aussi impossible qu’elle paraissait.

Amy était toujours à côté de lui, regardant le mail d’un air désabusé. Josh coupa le silence entre eux deux :

 

- Finalement, ce n’est pas si mauvais que c’en avait l’air.

- C’est qui ce AC ?

- Un ami, pourquoi ?

- Il a l’air vachement sur de lui. Et puis il a l’air d’un macho.

- Arrête, il est naturel, c’est tout.

- Ouais …

 

Elle partit retourner à son bureau, tapant la fin d’un article qui paraîtrait dans les quelques heures qui suivrait, du moins, c’est ce qu’il pensait. Il sortit prendre l’ascenseur qui le conduirait au rez-de-chaussée, pour partir à la recherche de

la Saab

… et de l’acteur introuvable.

 

 

5PM, Gabrielle’s home, Gabrielle Leigh. 

 

Gabrielle attendait dans sa maison. Elle habitait la banlieue des cadres, et ne faisait pas partie des privilégiés du riche quartier de Suna. Le quartier avait hérité d’un nom à la consonance asiatique, et les japonais répandaient l’idée que l’instigateur du nom adorait le pays, puisque Suna signifiait « sable » dans leur langue. Etant près de la mer, le nom convenait parfaitement.

Gabrielle regardait au loin Bondi beach, plage très fréquentée des Sydneysiders. La mer offrait l’illusion de l’infini, à l’horizon, cette fine ligne blanche coupant net avec les deux bleus, celui de ciel et celui de l’eau. Elle s’était amusée à remarquer les sortes de strates que formaient les différents terrain. La mer laissait place à la plage, elle-même laissant la place à une fine rangée d’arbre qui sortait par petits pics, pour finir par montrer les nombreuses maisons, puis les immeubles sur sa gauche, là où se trouvait la city. Depuis quelques années, tout le pays était propre, les évènements tels que le « Clean Up Australia Day » avaient pris une ampleur nationale, puis tendaient même à l’international cette dernière décennie.

Quelqu’un frappa à la porte. Gabrielle arriva rapidement à la porte. Elle regarda par le judas et vis son agent. Chad attendais dehors dans son costume strict d’agent. Elle ouvrit la porte.

 

- Salut Gabe.

- Salut Chad, dis moi tout !

- A vrai dire, le casteur à dit que …

 

L’agent fit une pause. Il prit un air sombre.

 

- Il a dit que tu étais parfaitement faîte pour le rôle !

- C’est super !

 

Elle se jeta dans les bras du grand blond, qui ne manqua pas de reculer sous la rapidité de l’actrice. Elle l’embrassa sur la joue. Il la reposa par terre.

 

- Si je savais que cela aurait produit un pareil effet, j’aurais certainement passé un coup de fil.

 

Il fit un clin d’œil. Gabrielle lui répondit :

 

- Je suis sûre que tu t’en serais voulu d’avoir raté ça.

- Ouep, en effet.

 

Il fit un grand sourire à son amie et cliente. Il repris la parole d’un air sérieux :

 

- Cependant, ça va être l’horreur, tu sais ce que c’est que les tournages de séries, de pub etc … mais les films, c’est autre chose, c’est un circuit infernal. En plus, le producteur n’est autre que Miramax, avec « Max Scissorhands ».

- Comment ça ?

- Tu connais certainement de réputation Harvey Weinstein non ?

- Rapidement, j’ai lu quelques lignes sur lui …

- Il a trouvé un remplaçant. Crois moi, ça a fais des vagues dans le milieux, mais ça s’est soldé par l’arrivé d’un nouveau patron qui pourrait être le jumeau de Harvey, les années en moins et le physique en plus. Il a le même tic de maltraiter les réalisateurs concernant les finals cuts …

- Tu sais Chad, tout ça, je le saurais bien assez tôt …

- Je te dis ça pour te prévenir.

 

Chad alla s’asseoir sur un fauteuil du salon, à côté de la grande porte fenêtre. Gabrielle repris rapidement la parole :

 

- Merci alors, mais je compte bien me débrouiller une fois sur place. Tu sais quelque chose sur les autres acteurs présents ?

- Aux dernières rumeurs de couloir de chez Angelo, il se pourrait qu’Asami soit de la partie.

- Tu veux dire, Asami, le japonais ?

- Oui.

- C’est vrai ? Mais, il est partout !

- S’il tourne encore un film, il a le palmarès du plus grand nombre de films tournés en une année. Ca lui en ferait 5. 5 films en une année, tu te rends comptes ? Toute sorte de film, des courts et longs métrages, indépendant ou pas. On va le voir l’année prochaine dans les cinémas, je te le garantis.

- Ca me ferait bizarre s’il jouait dans celui-ci. Je n’ai jamais côtoyé de grande star. T’imagines, mon nom à côté de la star ! Incroyable. C’est l’une des plus belle journée de ma vie !

- Oh la, ne t’emportes pas, ce n’est qu’une rumeur … et le concernant, les rumeurs sont toujours très nombreuses à cause de son invisibilité dans les médias et autres …

 

Gabrielle partit chercher un alcool au petit bar derrière le salon. L’agent repris la parole :

 

- Tu sais ce que c’est … les acteurs sont partout maintenant, et Asami est du genre à accorder des interviews avec parcimonie. La presse l’aime, le public l’adule, et je ne comprends toujours pas pourquoi en fait. Généralement, on a bien vu que les acteurs qui n’avaient pas de relations avec la presse tombaient les uns après les autres. Prends donc les deux actrices : Demi Moore et Meg Ryan. Les deux ont eu un succès fulgurant. Quelques années après, puisqu’elles n’accordaient aucune chance aux journalistes, elles ont finies leur carrière dans l’ombre.

- Je pense que c’est un truc en plus … tu vois, il paraît qu’il a un magnétisme ce gars là. Tu sais, le genre de chose qui fait qu’on le remarque de suite.

- Je ne sais pas. Il me paraît bien étrange pour une star tu sais … enfin, il est trop renfermé.

- Sûrement.

 

Gabrielle reposa finalement la bouteille de scotch qu’elle tenait à la main. Elle proposa à Chad un verre :

 

- Tenté ?

- Non merci, j’ai du boulot, et la route … enfin, tu vois ce que je veux dire.

 

Il lui lança un sourire. Elle lui en fit un en retour.

 

- Toujours raisonnable.

- Il le faut bien non ?

- Tu as raison, mais lâche toi un peu de temps en temps.

- Pas au boulot.

 

Son ton devenait amusé, il connaissait la réaction qu’aurait son amie. Il avisa l’heure.

 

- Mince, je suis à la bourre, avec cette discussion …

- … File !

- A plus baby.

 

Il partit rapidement, et Gabrielle entendit le moteur de

la Mitsubishi

vrombir avant de s’éloigner. Elle avait un rôle dans un long métrage désormais … et peut-être avec un acteur en vue du monde du cinéma actuel.

 

 

5PM,

Daily

Dream

Building

entrance, Josh Springton. 

 

Josh sortit son PDA. Cet objet était l’agenda moderne, la chose que tout homme travaillant se devait d’apporter avec lui quand il allait travailler. Il regarda le message qu’Andiron lui avait envoyé peu de temps après son rendez-vous – calamiteux – avec celui-ci.

 

« De : Steven Andiron Objet : Objectifs

 

Vous devez me trouver Asami par tous les moyens ! Je VEUX l’exclusivité sur ce qui se trame dans les couloirs houleux des maisons cinématographiques ! Vous me trouvez tout sur lui : Quelle lieux il fréquente, quelle personne il voit, je veux même savoir avec qui il couche et qu’est-ce qu’il a mangé dans la journée ! Vous avez compris ? JE VEUX UN SCOOP ! Vous êtes presque le plus ancien journaliste qui travaille à la revue numérique ici, c’est donc votre boulot, je vous paye pas à rien foutre pigé ? Si vous n’avez rien dans 7 jours, vous irez chercher un poste dans un magazine de merde.

 

Daily Dream Direction »

 

Le message démontrait deux choses sur la société : la première était la politique agressive de la compagnie, et la seconde découlait directement de la première : avec deux ans dans la boîte, Springton était déjà l’un des plus vieux des photographes employé pour la revue numérique, autrement dis la revue des nouvelles têtes. Ce que Josh savait, c’était que s’il finissait par trouver une info sur l’acteur, il aurait une chance d’être publié dans la revue analogique du journal, privilège réservé à quelques élus qui avait un jour eu la chance de tomber sur une interview exclusive avant la sortie d’un film, l’interview d’un chanteur qui quittait un groupe, ou encore une autre exclusivité bidon qui faisait vendre le journal comme des petits pains.

Il rangea son PDA. Il allait marcher jusqu’à la baie, non loin du siège de la société, déjà relativement excentrée du centre des affaires de Sydney. Il avança parmi les petites rangées d’arbustes méditerranéens, sur l’allée dallée d’une multitude de petits carrés blancs. Cette allée était représentative de la politique actuelle, remettre un peu de vie dans les rues grises de la ville. Evidemment, du fait de sa mise à l’écart, le building avait bénéficié d’aménagement spécifique tels que cette allée.

Sont portable sonna à peine eut-il fait quelques pas.

 

- Springton

- Hey mec, c’est AC, je passe te prendre de suite !

- Qu’est-ce que t’as, un truc sur Asami ?

- Quoi ?! Non. J’ai rien sur lui, de quoi tu me parles ?

- De ton mail.

- Ah, ça. T’en fait pas, t’as le temps pour ce gars là. Par contre pour les filles sur la plage …

- Anton, arrête, je suis sur ce gars maintenant.

- Ah ouais ? déjà ? Mince, si j’avais su j’aurais relevé l’endro…

- Okay, pas de problème, emmène moi voir tes filles, j’ai pas envie de me prendre la tête avec ce type de toute façon.

- J’arrive dans deux minutes, je suis déjà sur la route, au King Cross là.

- Je suis devant la direction du DD.

- J’y suis dans 2 minutes Joe, deux minutes.

 

Josh raccrocha. Il ne voulait pas entendre d’avantage de choses sur l’acteur. Il alla devant le parking public du bâtiment, et resta dans l’attente jusqu’à ce que la voiture d’Anton arrive. Il s’arrêta en faisant crisser ses pneus sur l’asphalte chaud. Une portière s’ouvrit. Josh vit son ami :

 

- Tu montes ?

- Une seconde, je vérifie un truc.

 

Josh alluma son appareil pour voir s’il lui restait encore de la batterie. Il lui restait encore 540 minutes pour des prises de vues. « Plus que suffisant » se dit-il machinalement. Il entra dans la voiture.

 

- Met ta ceinture frère, j’ai pas de temps à perdre sur la route pour des …

- Ouais, je vois ce que tu veux dire, fonce !

- Tu me connais.

 

Anton eu un tic qu’il avait toujours eu, de ce que Springton avait vu. Il pencha légèrement la tête vers la droite tout en esquissant un sourire en coin. Il partit en trombe, refaisant crisser ses pneus et faisant monter le compte-tour presque dans le rouge. Josh eu le prémisse d’un haut le cœur :

 

- Hé, vas-y tranquille quand même, j’ai pas envie de finir dans un mur !

- T’inquiète pas, je maîtrise la bête ! De plus, j’ai pas de temps à perdre.

- C’est pas une raison pour nous attirer toute la police de Sydney sur nous.

- Ecoutes Josh, sois tu restes cool, sois tu sors de cette caisse pigé ?

 

Le photographe jurerait entendre son patron, mais dans une voiture. La ville défilait sous ses yeux, le centre-ville passait, puis Carter pris

la Great

Western

Highway pour rejoindre l’autre partie de la ville. Josh repris la parole :

 

- Tu n’aurais pas pu prendre une autre route ?

- Sur l’highway, j’aurais pas de problème avec les flics, et je peux foncer comme ça au moins.

 

Josh soupira, il lui était déjà arrivé par le passé de s’être fait arrêter, mais Anton s’était toujours montré avec un sang froid qu’il n’avait pas d’habitude. Généralement, les « bleus », comme il les appelait, étaient facilement influençables. Springton ne compris jamais comment il pouvait influencer un policier, mais il semblait que sa technique marchait, puisque son permis était toujours valide. Il continua sa route, passant à travers North Sydney, puis Mona et enfin The Spit, puis tourna à droite vers Manly. Il se dirigea vers les Queenscliff et s’arrêta à Curl Curl. Il arrêta sa voiture et sortit, le journaliste faisant de même.

 

- Voilà, il faut qu’on se tape un kilomètre à pied, et on arrivera sur une petite plage que j’ai repérée, là où sont les filles.

- Okay, mais dis-moi, pourquoi elles seraient restées ?

- Tu connais le pouvoir d’Anton non ?

- Sur, mais quand même, dans un coin aussi paumé.

- Au pire, on repars vers la ville, on sur Bondi, il y a toujours de belles filles là-bas.

- Ca me va.

 

Les deux marchèrent jusqu’à la plage indiquée par Anton. Contrairement à ce que Josh pouvait penser lors du trajet, la plage était nettoyée et propre, et non pas laissé à l’abandon comme la majorité des plages en retrait. Il voyait trois femmes allongées, parmi d’autres personnes en train de faire diverses choses. Certaines faisaient un volley, d’autres nageaient … mais Anton partait vers les 3 allongées.

Il les vit et se dit qu’il pourrait effectivement faire quelques bonnes photos avec, mais se demandait quelle idée son ami avait en tête …

 

 

 

2.

 

6PM, King Cross streets, Gabrielle Leigh. 

 

“… She keeps in mind all her past moments with them.

 

Scenario by Liz Hartford.

 

Le scénario était sympathique, un peu adulte de ce que Gabrielle en pensait. Une jeune femme qui monte dans le milieu du cinéma, puis chute brusquement dans l’anonymat et arrive à retrouver sa place grâce à ses anciens amis qu’elle a renié au point culminant de sa gloire. Cette histoire pourrait tout aussi bien être la sienne, dans un futur plus ou moins proche. Elle ne se sentait pas vraiment concernée, puisqu’elle n’était connu que pour quelques rôles de seconde rang, voir même quelques participations dans « des séries abrutissantes pour adolescents » (de ce qu’elle avait dit à un journaliste lors d’une interview désabusée concernant l’une de ces apparitions.)

Son rêve de gloire rayonnante pouvait enfin se concrétiser grâce à ce film, et si la rumeur concernant l’acteur japonais se confirmait, elle voyait déjà un tremplin qui ne pourrait que la pousser plus haut. Elle n’avait pas d’inquiétude quand au film, puisque Asami ne tournait qu’avec des réalisateurs qui avaient du talent, il n’avait jamais connu de faux pas, chose pourtant courante dans le métier.

Le scénario en lui-même était tiré d’un roman à succès de Robert Allen, écrivain connu pour ses œuvres grand publics, mais aussi pour ses œuvres intellectuelles que seule une élite lisait couramment, jugées trop alambiquées par les critiques des magazines non spécialisés.

 

Elle avançait lentement, flânant dans la city, regardant les devantures de magasins qui allaient bientôt fermer pour la plupart. Le soleil était encore suffisamment haut pour na pas commencer à recouvrir la ville de ce lent et inexorable voile de feu que donne le couché de soleil.

Elle prit son petit portable-PDA, et rechercha le nom d’Asami sur le net, pour trouver une biographie de l’acteur, pour savoir qui il était finalement, cet acteur si mystérieux, pouvant faire vendre le moindre de cliché de lui des milliers de dollars.

La recherche donna une centaine de pages. Elle regarda rapidement les résultats, et en trouva seulement une dizaine correspondant vraiment à ce qu’elle attendait de cette recherche.

 

Elle décida de s’asseoir sur un banc en regardant ce que le site donnait. La page se chargea instantanément :

 

生明 紅葉 Asami Kaede, 27 ans, acteur

 

Né à Broom dans une famille japonaise par son père et australienne par sa mère, vivant modestement, Kaede Asami n’a jamais aspiré à une lente marche vers les sommets. Marqué par les traditions japonaises, mais également par « l’American way of life », il développa des principes ambigus. Il partit lors de ses 18 ans aux USA pour poursuivre des études en sociologie et psychologie qui auraient dues le mener sur une voie honorable de cadre supérieur ou de spécialiste en Australie ou aux Etats-Unis. Rencontrant une femme durant ses cours (elle suivait les mêmes cours de psychologie), il arrêta ces dernières une fois ses diplômes en poche, et revint à Broom dans sa famille, alors que sa petite amie était de Sydney. L’année suivant son retour, il la suivit pour Sydney afin d‘y suivre des cours de théâtre, cours qui étaient financés par les petits boulots de ce dernier sans que celui-ci ne trouve d’emploi stable malgré ses qualifications. A la suite de ces cours, Kaede Asami trouve rapidement un petit rôle de figurant dans une série pour adolescent, puisqu’il eût ce premier rôle à l’âge de 22 ans. A 23 ans, il tourne son premier film avec John Minghella – qui n’a aucune affiliation avec Anthony Minghella, réalisateur du « Patient Anglais » et de « Retour à Cold Mountain » - « Strike Through » film d’auteur sur les mœurs des clubs de football américain dans lequel il joue un quarterback particulièrement convaincant, puisqu’il joua à ce poste durant une année lors de son passage aux Etats-Unis. S’enchaîne ensuite des succès critique et publique. [cliquez sur le lien]. Depuis, seulement 4 ans après son premier succès, il est devenu l’une des figures du cinéma actuel, oscillant entre ses personnages attachant et plein de vie, souvent ouvert aux autres, et sa vie privée si mystérieuse, dont il a le secret pour la garder à l’abris des journalistes. Certains considère qu’il ne vit pas dans la ville, d’autres plus fantaisistes aiment à dire qu’il vit en réalité aux Etats-Unis, malgré les nombreux attentats que subissent encore les villes de ce pays, n’ayant pas renoncé à la vie américaine qu’il connut durant ses études. Peut-être que les deux opinions sont bonnes, personne n’ayant jamais réussi à prouver sa propre vision de la chose.

Dernièrement il a tourné cette année 4 longs métrages, a participé en tant que « guest » dans la série « soul mates » le temps de 3 épisodes (lesquels seront bientôt diffusés sur ABC le printemps prochain) et, selon la rumeur d’un employé proche du patron de Miramax, Max Wood, participerait à un cinquième long métrage qui devrait être tourné prochainement.

 

Elle ferma la page. Finalement, cet homme si célèbre n’était pas un fils de quelque acteur, sinon une personne normale qui avait réussi dans le milieu pailleté du cinéma actuel. Elle prit en note mentalement cette question : qui était cette femme avec qui Asami était quand il arriva à Sydney ? Elle semblait être aussi discrète que lui – il n’y avait aucun nom quand à la femme ayant accompagné l’acteur dans aucune des biographies le concernant. Finalement, elle se leva.

 

Elle regarda les voitures attendant le feu. Parmi elles se trouvaient un joli cabriolet d’inspiration nordique. Elle pensa qu’il devait s’agir d’un étranger, comme la plupart des nouveaux Sydneysiders, comme elle en fait. Elle essaya de voir son conducteur, un homme typé, sûrement pas australien de pur souche à en juger par ses yeux semi bridés. L’homme tourna la tête à l’instant où elle le dévisageait, souris furtivement, détourna la tête et démarra à l’instant où elle s’aperçut que ce dernier n’était autre que Kaede Asami.

 

 

7PM, Hotel Choi Park-won, 紅葉生明 Kaede Asami. 

 

- Monsieur Asami, je m’appel Anjel, je vais m’occuper de votre maquillage pour la soirée.

 

 Kaede acquiesça. Les maquilleurs/maquilleuses formaient une race qu’il ne comprenait pas assez pour dire quoi que ce soit sur leur métier. De plus, ils n’effectuaient pratiquement aucune retouche sur le visage des hommes.

Anjel pris un pinceau, le poudra avec quelques artifices et commença à « l’étouffer » avec. Son teint légèrement bronzé virait de plus en plus foncé, comme s’il avait fait une cure de ces pilules ( Melotha … methola ? … impossible de se souvenir.) qui donnent en une poignée d’heures le résultat de longues journées de farniente sur une plage.

Il regarda rapidement les loges. Elles étaient jaune, un jaune pâle entre le beige et l’or. Il se tenait en plein milieu d’une rangée de sièges tous occupés par diverses stars ou présentateurs.

Il reconnut rapidement Marcia Cross, l’actrice américaine, puis, un peu plus loin sur sa droite, crut reconnaître Taylor Hich, vainqueur de l’American Idol de l’année 2006 … il commençait à paraître vraiment âgé, même s’il avait déjà des cheveux gris à sa victoire, alors qu’il n’avait que 29 ans. A sa gauche se tenait, en train de parler si fort que toute la salle pouvait entendre, malgré le bruit ambiant de la ruche qui s’activait autour de lui, les injonctions de Keira Knightey sur son maquillage, qu’elle jugeait trop criant. Un peu plus loin, relativement silencieux se tenait Tom Cruise, dans un silence contemplatif, regardant son portable tandis que la maquilleuse s’activait à passer poudres et autres artifices. Tous était déjà âgés, mais la chirurgie esthétique avait maintenue avec un succès époustouflant leur physique à celui des années 2000. Tous paraissaient avoir 40 ans, ce qui n’était le cas d’aucun d’entre eux, et 30 pour l’actrice britannique et le chanteur.

 

 Il revint à Anjel, qui venait tout juste de finir - à peine vingt minutes de préparation lui auront suffit pour rendre Asami plus photogénique. C’était chose faîte, en un minimum de temps. Kaede appela le maquilleur avant qu’il ne parte :

 

- Anjel ?

- Oui monsieur ?

- J’aimerais savoir si cela serait possible de vous employer, à mes frais, en tant que maquilleur exclusif.

- Je ne sais pas monsieur Asami, je pense que vous pouvez arranger ça avec les producteurs de l’émission, ou quelqu’un qui s’occupe de ça. Je ne sais pas à qui vous envoyer.

- J’aviserais, mais cela vous conviendrez t-il ?

- Je … c’est une question à laquelle il faudrait que je … réfléchisse. D’habitude on ne me demande pas mon avis …

- Je sais, mais je ne suis pas habituel.

 

La phrase de Kaede clôtura la conversation, et le maquilleur partit dans une autre pièce. Il resta quelques instants sur son siège, regardant le travail accomplit par l’homme qui se tenait à côté de lui une minute plus tôt. Il lui semblait correct, masquant les imperfections naturelles de la peau sans toutefois le transformer en un masque de carnaval de Venise, le teint blanc en moins. C’était là la seule chose que Kaede redoutait, ne pas paraître bien au public, puisqu’un acteur ne joue que sur son physique – et son talent sur scène, certes – pour attirer les personnes dans les salles obscures, ou dans les théâtres.

Il avisa l’horloge qui se tenait au dessus de la porte des loges. L’émission commencerait dans 15 minutes.

 

L’émission de ce soir était un talk show nommé simplement “Lola’s show” et animé par la célèbre Lola Echanove. Evidemment, son nom de scène s’était vu réduit à un simple “Lola”, pour attirer un public d’adolescents. Elle avait cette habitude bien à elle – souvent copiée, jamais égalée – de réunir aussi bien les minorités latinos que chinoises ou américaines de l’île principale de l’Océanie. Sa maîtrise de 7 langues (Anglais, Espagnol, Français, Italien, Japonais, Mandarin et Estonien (même si personne ne comprit ce dernier choix)) était pour beaucoup dans cette audience si élevée. A 30 ans, elle passait pour une gamine de l’écran, mais les chiffres étaient avec elle, ce qui, depuis quelques années, était grandement responsable du rajeunissement des animateurs de la télé en général.

Cependant, cette soirée n’était pas diffusée uniquement en Australie, comme dans la plupart des cas. Cette fois, à cause d’Asami, elle était diffusée dans tout le pacifique, et même en Europe, de l’Espagne à l’Allemagne, passant par

la France

,

la Grande

Bretagne

et l’Italie.

Toutes avec des sous titres, toutes diffusées en temps réel.

 

Tout ramenait à l’acteur, qui n’avait pas accordé la moindre interview depuis une année et qui devait assurer la promotion de 4 longs métrages tout en devant donner quelques renseignements – croustillants – sur son apparition en guest dans « Soul Mates ».

 

 10 minutes. Le temps passait rapidement, et tous étaient prêts. Hich vint à Asami avec un sourire et une coupe de champagne :

 

- Alors Kaede Asami, ce coup-ci, plus d’échappatoires !

- Je dois bien copiner avec le public non ? Ne serait-ce que pour les films, que je trouve tous très bons, même s’ils sont tous dans des registres différents, certains pour les studios, d’autres …

- Oh là, tu sais, j’y connais rien à tous ce charabia de cinéma, moi je me contente de la chanson, et puis des interviews, des plateaux télés etc …

- Je vois. J’aime pas trop les interviews.

- C’est vrai qu’on n’entend jamais parlé de toi dans la presse, t’as un secret ou alors tu graisses la pâte aux boss ?

- Rien de tout ça, je suis invisible !

 

Kaede eut le sourire prédateur qui effrayait généralement les personnalités qu’il pouvait côtoyer. Cependant, le chanteur ne fléchit pas.

 

- Tu te débrouilles plutôt bien pour quelqu’un de discret, il se passe pas une semaine sans qu’il n’y ait pas une news sur toi dans les journaux. Tiens, par ailleurs, ce n’est pas toi là ?

- Comment ça ?!

 

Hich tendit dans sa main un petit écran–hologramme, merveille de la technologie qui pouvait produire une sorte de 3D sur une surface de deux mains. Sur l’image plate (puisque les appareils photos pouvant prendre des photos en 3 dimensions sont techniquement une utopie), on pouvait voir un homme de type asiatique avec une chemise rentrer dans une voiture de sport blanche, avec un joli toit en verre, d’inspiration suédoise.

 

- Je ne pense pas que ce soit moi, ha, ha, ha ! je n’ai pas de …

- Allez, arrête ton jeu d’acteur, de toute façon ce sera publié demain.

- Demain ?

- Oui, demain, certainement par un des gros E-mags : DDreams, ou alors peut-être l’e-Vanity Fair, un truc du genre, je m’y perds dans tous ces magazines.

- Tu en es sûr ?

- Certains.

- D’accord, merci, je dois passer un appel avant d’aller sur le plateau pour le début. Merci encore.

 

Kaede s’éloigna, pris d’un soudain sentiment de nervosité, un stress qui le prenait aux tripes. Il sortit son portable, composa le numéro de Hélios Araki, son avocat.

 

- Hélios, c’est Kaede.

- Kaede ? Que veux-tu ? tu passes pas à l’antenne dans 5 minutes ?

- Si, mais il faut que tu fasses un contrat en urgence. Un contrat qui empêche les publications sans l’autorisation de celui qui est sur la photo, tu vois le topo ?

- Je … d’accord, je tape ça, tu en as besoin pour …

- Ce soir, après le direct.

- D’accord.

- Merci.

- Kaede ?

- Oui ?

- Bonne chance pour ton direct.

- Merci.

 

Il raccrocha, il lui restait une minute avant que l’émission ne commence.

 

 

8PM, Hotel Choi Park-won 88th floor, 紅葉生明 Kaede Asami. 

 

Les écrans renvoyaient l’image de la caméra en face de Lola. Kaede se tenait juste à l’entrée de l’étage, il attendait, comme sur un plateau de tournage, que Lola l’appelle. Les fils autours de lui étaient dans un parfait désordre, et il devait regarder le sol à chacun de ses pas pour s’assurer de ne pas détruire le travail d’Anjel et/ou de salir le costume d’Yves Saint Laurent. Il disait volontiers ne pas aimer les costumes des faiseurs de modes, mais il devait avouer avoir un faible pour ceux signés YSL. Il se souvint alors du schéma de l’émission : premièrement, le générique, tout en couleur à l’image de la présentatrice, ensuite arrivait son speech accrocheur, et commençait alors les hostilités. Kaede était le dernier invité à être convié au plateau, puisque l’audimat devait être à son comble lors de son arrivée. Une sorte de clou du spectacle, de cerise sur un gâteau démesuré.

 

Le show commençait, la tension était palpable dans cette atmosphère lourde secouée par deux ventilateurs de part et d’autre des deux canapés. C’était là une autre fantaisie peu commune aux médias : loin des tables d’interview ou des talk-show traditionnels où l’animateur se retrouve opposé à/aux invité/s, Lola Echanove appréciait être au contact des gens avec qui elle s’entretenait. Par ailleurs, elle ne s’asseyait que lors de l’interview elle-même, préférant rester debout pour annoncer tel ou tel lancement. On la traitait souvent d’increvable à cause ses incessantes ballades entre le public, les canapés et les caméras, de telle manière qu’elle entretenait une réputation de femme solide et fière, mais restant à la portée de quiconque … la pire des engeances pour les animateurs rivaux.

A ne pas en douter, elle devait avoir beaucoup d’ennemis dans le métier.

 

Kaede appréhendait, les impératifs se pressaient dans sa tête (Le sourire d’entrée … les promos … pas de vie privée - pas de photos - pas de questions trop ciblées – pas de ceci, pas de cela, rester décontracté … DECONTRACTE ! – ne pas faire la grimace …) mais il savait que tout cela passerait normalement comme à chaque interview qu’il avait donné par le passé.

Keira Knightey vint à sa rencontre avant de rentrer sur le plateau, s’asseoir et attendre les questions.

 

- Kaede Asami, pas vrai ?

- Hm, euh, oui en effet, lui-même. C’est la première fois qu’on se voit en dehors des écrans de salles de cinémas n’est-ce pas? Ha ha !

- Je crois que oui. Très bonne performance sur “Strike Trough” … même si le titre n’était pas vraiment ce qu’on peut appeler un titre de film.

- Merci, mais je n’ai aucunement influencé le choix du titre ! De mon côté, je pourrais vous féliciter pour beaucoup de films. J’aimerais juste savoir comment s’est passée lors de votre période “Disney” ?

- Arrêtes donc avec les vous, ça fait pompeux.

 

Elle ri. Kaede fit de même.

 

- Oui, comme tu veux.

- Donc tu veux savoir ce que j’ai pensé de la période Pirate des Caraïbes en clair ?

 

Kaede murmura une approbation.

 

- A vrai dire, le premier était un bon film, même si le tournage était éprouvant. Quoique, il y avait une bonne entente entre Johnny, Orlando et moi. C’était sans dire, puisque de toute façon on en a retourné un deuxième, puis un troisième.

- Et donc, ce fut juste une bonne expérience.

- Oui, même si sur les derniers, c’était clairement Johnny qui était la vedette, et plus l’histoire d’amour entre Orlando et moi. Mais on avait compris que c’était lui qui faisait vendre, même si les gamins aiment un peu les trois.

- Enfin, tu vas pas me dire que c’était clairement destiné pour les gamins … je veux dire, il y avait aussi le marché ado non ?

- Oui, c’est sûr … mais Disney, ce n’est pas que Mickey et compagnie, enfin, à cette époque, c’était pas que les gamins.

- Bien sûr … il fallait qu’ils rentrent dans leur fonds.

- Oui, voilà … désolé Asami, mais je dois y aller, c’est bientôt à moi.

- A tout de suite alors.

 

Elle partit rapidement vers la porte qui allait donner sur le « plateau ».

 

 Les acteurs sont toujours plus ou moins liés, et tous se connaissent. Les rencontres se font soit avec des intérêts personnels, comme avec Taylor, soit par pur intérêt professionnel, à l’instar de Keira, mais il arrivait quelquefois que l’intérêt porté soit relationnel. Cependant, la majorité des cas se trouvait dans ces deux premiers ordres d’idées.

 

 Kaede observait maintenant les écrans de télés, regardant le début de l’émission. Lola commençait son show, entrait dans le sujet…

 

« So everybody, let’s the show begins! »

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