Sydney’s blue
4PM, Australian coast.
« Je n’ai jamais voulu être
acteur, mais mon destin en a voulu autrement. Je n’ai jamais voulu être
célèbre, ni riche, aussi invraisemblable que cela puisse paraître. Non, ce que
j’aurais voulu, c’est être pêcheur de perles à Broom, comme mon grand père.
J’ai toujours aimé la mer, la plage, les perles et les petits endroits
tranquilles à l’abris des regards, peut-être sous l’ombre d’un arbre, avec le
sable à mes pieds et les vagues juste en face de moi. En train de boire un
cocktail dans une noix de coco ouverte, avec une ombrelle colorée à
l’intérieure. Protégé du soleil par un grand chapeau de paille. Les nuages se
laissant porter par le vent, brisant le bleu du ciel de leur blanc immaculé. En
fait, oui, j’aimerais cette vie, je l’envierais presque.
Enfin, maintenant j’ai tout ce qu’un
homme aurait aimé avoir. J’ai peut-être même plus que certains ne l’ont jamais
espéré. Mais, on dit que ce n’est pas l’argent qui fait le bonheur, et je dois
dire que c’est vrai. J’ai raté deux fois l’occasion d’avoir une vie parfaite.
La première quand je suis parti pour Sydney. La deuxième quand je n’ai pas dit
oui à Ava.
Finalement, c’est peut-être aussi
bien comme ça. J’ai certainement vécu plus de choses fantastiques que je n’en
aurais jamais vécue autrement. Mais ces remords me rongent toujours un peu
plus. Malgré tout, comme je me dis souvent : demain est un autre jour. »
1.
♋
2PM, Sydney’s road, 紅葉生明 Kaede Asami.
Kaede roulait les cheveux au vent et la musique aux
oreilles en direction du restaurant indiqué par son ami. Anton était toujours
de bon conseil, et cette fois-ci, il avait tout intérêt d’être à l’heure. Il
s’arrêta, descendit de la voiture, claqua la portière puis regarda à gauche et
à droite pour trouver son ami. Il n’était pas là. Kaede s’assit, chercha dans
sa poche une cigarette quand une voix l’interpella :
-
Doin’ a smoke-oh ?
Cette
habitude de parler l’australien n’était pas vraiment ce que Kaede préférait
chez Anton, mais il s’y était habitué à force de le côtoyer. Ils entrèrent dans
le restaurant-pub, le « old surfer’s restaurant », qui ressemblait
par ailleurs plus à un pub qu’à un restaurant. Sa particularité était que le
fond donnait directement sur le pacifique, sans mur ni même de vitre, sauf durant
l’hiver austral - c'est-à-dire entre avril et octobre -, où s’étirait la baie
vitrée. Fait presque entièrement en bois léger craquant presque sous les pas,
le bâtiment ressemblait plus à une coquille naturelle qu’à un amas de béton. Depuis
quelques années, les bâtiments anglais –londoniens ! – cédaient la place
progressivement à des bâtiments mêlant agréablement verre et métal, dans un
style plus élancé, et généralement plus naturel, avec l’utilisation exclusive
de bois dans quelques rares bâtiments comme le « old surfer’s
restaurant ».
Ils
demandèrent à une serveuse où était leur réservation, essayant de ne pas se
faire voir de la plupart des clients attablés. Elle leur indiqua un petit
encart à côté d’un mur.
La
chemise blanche de Kaede n’était visiblement pas assez commune pour que
quelques têtes ne se tournent pas vers lui. Il essaya d’éviter les regards
lancés sur lui, tout en gardant son calme, il resta droit et décontracté en
avançant vers leur table.
Les
deux hommes s’assirent, jetant un regard amusé sur la coupe de fruits placée au
centre de la table, traitement réservé à toute personne ayant commandé une
table quelques jours à l’avance.
- Ils savent toujours recevoir ici.
La
phrase d’Anton resta quelques secondes sans réponse.
- Excuse-moi, j’étais en train de réfléchir à quelque
chose.
- Pas grave, écoute, j’ai bien ce que tu me demandes, mais
je ne suis pas sûr de la qualité de l’affaire.
- Tu veux dire que je dépense 800$ dans un cadeau sans même
savoir s’il en vaut la peine ?
Anton demeura silencieux, regardant par la petite
ouverture carrée à même le mur de bois, coupant la vue en deux parties, sur la
droite la plage et les hôtels adjacent, et sur la gauche l’océan.
- C’est pas ce que j’ai voulu dire, c’est plutôt que …
enfin tu sais, moi et les importations, c’est pas mon truc.
- Hey, sois tranquille, depuis le temps que ça existe … et
puis, sans parler de toutes les polices d’assurances que tu peux avoir, pour un
peu tu récoltes une somme incroyable si le colis ne vient pas.
- Ouais, t’as raison. Certainement que … bah, je sais pas
en fait, j’ai toujours de mauvais pressentiments.
La
serveuse vint à leur rencontre, demandant ce qu’ils désiraient prendre.
- Je prendrais un martini.
- Je suis.
Anton ne savait jamais quoi choisir quand il était dans
un bar. Kaede l’avait remarqué, puisqu’à chaque fois il disait « je
suis. » ou alors « pareil pour moi. ».
Le
silence revint à leur table, tandis qu’aux alentours les conversations étaient
toujours présentes, donnant une ambiance agréable à l’établissement. Le
japonais regarda la coupe, et eut une moue amusée quand il se rendit compte que
les fruits avaient spécialement été choisis en fonction de leur couleur et de
leur taille. « Un travail minutieux, c’est un bon endroit, ils doivent
certainement essayer de maintenir leur réputation. » Il hésita un instant
à prendre la grappe de raisin verte, mais laissa cette pensée dans sa tête,
sans esquisser le moindre geste.
- Quand est-ce qu’arrive le paquet ?
- Je crois qu’il est censé arriver demain, ou après demain.
Directement de l’usine à chez moi. D’ailleurs, pourquoi est-ce que tu tenais
tant à ce que ce soit chez moi ?
- Je n’aime pas que l’on sache où j’habite, tu sais avec
mon métier …
- Je comprends, tu penses à tout.
- Tout, peut-être pas, mais moins je laisse d’indice pour
les “stalkers”,
mieux c’est. Et puis, j’aimerais bien garder la surprise.
- J’te comprends.
L’antillais
souris l’espace de quelques instants, sourire auquel Kaede ne répondit pas. Il
se redressa sur son siège en cuir, et regarda rapidement les clients attablés.
La moitié d’entre eux étaient des couples, certainement un quart d’homme
d’affaire à en juger par leur costume bleu, et un autre quart de jeunes prenant
une bière ou un alcool de la sorte. Personne ne le remarquait, il en profita
pour sortir son PDA.
Rapidement, il passa les différents dossiers avec son
stylet et arriva sur les nouvelles du jour. Ce n’était pas son passe temps
favoris, mais les informations sur le cinéma sur ce site étaient de tout
premier ordre, et pour cause, elles étaient données par les grandes maisons,
studios ou « indépendants » : Miramax, Universal, New Line, la Fox
Il
tomba sur les informations qu’il désirait : Maintenant que Steven
Spielberg, Martin (Marty) Scorcese, Tim Burton, Ridley Scott et autres J J
Abrams s’étaient retirés du cinéma et que Peter Jackson était devenu le seul
réalisateur de films à budget « hollywoodien », les réalisateurs
indépendants avaient retrouvés de leur superbe, tout en restant dans la nouvelle
donne : l’indiemercial. Terme compliqué pour désigner les films lancés par
Miramax dans les années 90, qui ont finalement envahit le marché, ce subtil
mélange entre film d’auteur et film de genre tels “Pulp
Fiction” ! L’instigateur du genre, plus même que Sexe, Mensonge et Vidéos
ou Reservoir Dog était le cheval de bataille des compagnies. Quentin Tarantino était le principal acteur de cette
nouvelle scène cinématographique.
L’indiemercial
était le type même de film à petit budget (dépassant quand même largement les
quarante millions de dollars) rapportant soit des masses colossales d’argent,
soit juste de quoi se maudire de l’avoir produit. Les maisons telles que
Miramax connaissaient très bien ce genre de situation, et les studios s’étaient
pris au jeu dans vers la fin des années 90, début 2000. Cependant, on pouvait
noter que les maisons indépendantes étaient devenues des studios. Pour
reprendre une phrase de Tarantino résumant l’évolution des maisons de
productions indépendantes : « Y’a pas à tortiller, Miramax c’est un
studio. »
Kaede
regardait un petit nouveau qui n’arrêtait pas de monter depuis quelque temps,
un certain Marc Angelo, américain d’origine italienne, qui faisait de chacun de
ses films un grand succès commercial et artistique. Son dernier film n’allait
pas tarder à sortir en salle, et la presse spécialisée était déjà à l’affût.
Ses films étaient l’essence même de l’indiemercial, couplée a de l’action des
studios. Une sorte de film au scénario complexe sans être compliqué, ne se
perdant ni dans les dialogues, ni dans les effets spéciaux. Angelo allait
certainement succéder à la place de Roi de Tarantino dans les années qui suivraient.
Il
retourna à la réalité quand la serveuse revint les voir avec leur commande.
- Pour vous messieurs, avec les compliments du barman.
Les
deux hommes regardèrent brusquement le barman, qui leur fit un léger signe de
son bar. La serveuse leur avait laissé deux verres de Martini avec quelques
spécialités de l’établissement. Ils firent rapidement une inspection de la
pièce quand Kaede intervint :
- Tu crois qu’on nous a reconnus ?
- Je pense pas. Je crois qu’en fait, c’est parce qu’on a
commandé une table à mon nom, et … en fait, oui, peut-être qu’il t’a reconnu.
- Il n’a pas pris de photos j’espère.
- Je crois pas, je vois pas de portable, ni d’appareil
braqué sur nous, et le gars au comptoir semble bien occupé avec les clients.
Kaede
se raidit sur sa chaise, ce genre de surprises n’était pas vraiment ce qu’il
appréciait depuis qu’il avait rencontré le succès.
- Je crois qu’il ne faut pas trop s’en faire.
La
phrase d’Anton ne rassura pas Kaede. Il savait que quelqu’un était au courant
de leur présence. Peut-être qu’un paparazzi était en train de les guetter en
haut de l’un des immeubles bordant la plage, et donc du restaurant. Depuis
qu’ils avaient trouvé une personne suffisamment discrète dans la vie pour ne
pas être pris en photo tous les jours comme la plupart des autres, quand le moindre
cliché valait de l’or, ils étaient aux affûts, tous les jours et partout.
Maintenant, ils leur fallaient seulement repartir le plus discrètement
possible, se séparer comme deux inconnus dans la grande ville qu’est Sydney.
Anton
lança une idée :
- Hep, que dirais-tu de partir en premier, je reste là à
siroter le martini, comme ça, on réduit les chances de se trouver en couverture
dès demain sur les tous les E-mag des kiosques …
- Bon, on fait ça alors.
Un
clin d’œil entre les deux hommes suffit à déclencher le signal. Kaede repartait rapidement vers sa Saab,
pour reprendre la route vers sa résidence dans la banlieue riche de la
métropole.
♋
4PM,
Daily Dream building. Josh Springton.
- … Et tu me retrouves ce foutu Asami par tous les moyens, tu comprends,
par TOUS LES MOYENS !
- Chef, je …
- Ecoutes, t’es là depuis deux ans, et moi j’ai fondé la
compagnie, alors pas de commentaires, sinon t’es viré !
Josh se retira du bureau de Steven Andiron, chef suprême
de l’E-mag “Daily
Dream”.
La tension qu’engendrait l’acteur australien était telle que la situation dans
les locaux était comme une bombe sur le point d’exploser. Surtout avec un chef
comme Andiron. Tel Harvey Weinstein, Andiron était un impulsif qui
avait du flair, parfois trop, mais qui était surtout un homme tournant aux
10.000 volts. Josh n’était qu’un simple photographe. Le rapport de force n’était
pas équitable. Il jouait son poste tous les jours, mais que ces derniers temps,
il semblait que chaque journée était semblable à une année entière.
Springton
regagna son bureau – 3 étages plus bas - à côté des autres dans la pièce toute
ambrée boisée qu’était la rédaction. Les pianotements de clavier et les
quelques discussions le ramena dans l’univers qu’il côtoyait tous les jours.
Dehors, le soleil de l’été austral était encore haut. Il s’assit devant son
bureau, regarda sans grand intérêt l’écran de son PC pour voir si un mail était
arrivé. Amy vint l’interrompre en s’asseyant sur son bureau:
- Alors Josh, on a eu un rendez-vous avec le big-boss ?
Josh
soupira.
- Qu’est-ce qu’il t’as demandé cette fois-ci hein ?
- Plus que l’impossible.
- Tu peux être plus explicite ?
- Kaede Asami, l’acteur le plus en vue, mais le plus
discret que l’histoire du cinéma actuel à produit. Je n’arrive pas à croire que
je me suis mis dans un pareil pétrin. Je connais rien de rien à lui, nada.
Amy,
grande brune au teint halé, était la seule femme que Josh n’a jamais su vraiment
définir. Elle mit sa main sur son visage.
- Il faut croire que tu joues avec la malchance.
Elle
se leva. Josh repris :
- Il va falloir que j’écume les soirées. Parler aux
surfeurs de la côte, puisqu’ils sont généralement de bons informateurs.
Demander aux patrons de bar, aux boîtes, les trucs VIP, j’en passe et des
meilleurs.
Sa
voix supposa déjà l’abattement qu’il allait avoir dans les jours à venir.
- Il ne manquerait plus qu’il déménage !
Josh
regarda Amy qui souriait après ce qu’elle venait de lui annoncer. Il regarda
rapidement ses mails, et vit la personne à même de lui fournir un petit
renseignement sur Asami.
« Reçu de :
A.Carter Objet : Prises de (longues) vues
Hey
Josh, j’ai vu un acteur qui te rendra célèbre si t’arrives à le choper : Asami.
Il est passé près de la côte dans une superbe caisse, une Saab, tu sais le CC
dérivé de l’Aero X … 150.780$ à ce qu’avait jugé un mec spécialisé dans les
« luxueuses ». Bon, je sais que les voitures c’est pas vraiment ton
truc, mais si t’arrives à la repérer ou même une bagnole semblable dans la
ville, choppe son numéro d’immatriculation. Ca pourra peut-être te servir.
A
part ça, tu ferais mieux de jeter un œil du côté de la plage, j’ai vu quelques
filles qui pourraient bien devenir modèles, je n’ai pas pu t’envoyer de photos,
mon portable n’a plus de batteries ! En tout cas, faut qu’on se voit, j’ai
pris quelques coordonnées, et je peux t’assurer que tu peux te faire un max de
thunes avec elles !
A
plus mec,
AC »
AC n’était pas le type de personne que l’on évite.
Toujours affublé d’un short de surf, exhibant ses muscles à qui veut les voir,
c’était un informateur de premier ordre, doublé d’un ami d’enfance. Josh pensa
que cette affaire ne serait peut-être pas aussi impossible qu’elle paraissait.
Amy
était toujours à côté de lui, regardant le mail d’un air désabusé. Josh coupa
le silence entre eux deux :
- Finalement, ce n’est pas si mauvais que c’en avait l’air.
- C’est qui ce AC ?
- Un ami, pourquoi ?
- Il a l’air vachement sur de lui. Et puis il a l’air d’un macho.
- Arrête, il est naturel, c’est tout.
- Ouais …
Elle
partit retourner à son bureau, tapant la fin d’un article qui paraîtrait dans
les quelques heures qui suivrait, du moins, c’est ce qu’il pensait. Il sortit
prendre l’ascenseur qui le conduirait au rez-de-chaussée, pour partir à la
recherche de la Saab
♋
5PM,
Gabrielle’s home, Gabrielle Leigh.
Gabrielle attendait dans sa maison. Elle habitait la
banlieue des cadres, et ne faisait pas partie des privilégiés du riche quartier
de Suna. Le quartier avait hérité d’un nom à la consonance asiatique, et les japonais
répandaient l’idée que l’instigateur du nom adorait le pays, puisque Suna
signifiait « sable » dans leur langue. Etant près de la mer, le nom convenait
parfaitement.
Gabrielle
regardait au loin Bondi beach, plage très fréquentée des Sydneysiders. La mer offrait l’illusion de
l’infini, à l’horizon, cette fine ligne blanche coupant net avec les deux
bleus, celui de ciel et celui de l’eau. Elle s’était amusée à remarquer les
sortes de strates que formaient les différents terrain. La mer laissait place à
la plage, elle-même laissant la place à une fine rangée d’arbre qui sortait par
petits pics, pour finir par montrer les nombreuses maisons, puis les immeubles
sur sa gauche, là où se trouvait la city. Depuis quelques années, tout le pays
était propre, les évènements tels que le « Clean Up Australia Day »
avaient pris une ampleur nationale, puis tendaient même à l’international cette
dernière décennie.
Quelqu’un
frappa à la porte. Gabrielle arriva rapidement à la porte. Elle regarda par le
judas et vis son agent. Chad attendais dehors dans son costume strict d’agent.
Elle ouvrit la porte.
- Salut Gabe.
- Salut Chad, dis moi tout !
- A vrai dire, le casteur à dit que …
L’agent
fit une pause. Il prit un air sombre.
- Il a dit que tu étais parfaitement faîte pour le
rôle !
- C’est super !
Elle
se jeta dans les bras du grand blond, qui ne manqua pas de reculer sous la
rapidité de l’actrice. Elle l’embrassa sur la joue. Il la reposa par terre.
- Si je savais que cela aurait produit un pareil effet,
j’aurais certainement passé un coup de fil.
Il
fit un clin d’œil. Gabrielle lui répondit :
- Je suis sûre que tu t’en serais voulu d’avoir raté ça.
- Ouep, en effet.
Il
fit un grand sourire à son amie et cliente. Il repris la parole d’un air
sérieux :
- Cependant, ça va être l’horreur, tu sais ce que c’est que
les tournages de séries, de pub etc … mais les films, c’est autre chose, c’est
un circuit infernal. En plus, le producteur n’est autre que Miramax, avec
« Max Scissorhands ».
- Comment ça ?
- Tu connais certainement de réputation Harvey Weinstein
non ?
- Rapidement, j’ai lu quelques lignes sur lui …
- Il a trouvé un remplaçant. Crois moi, ça a fais des
vagues dans le milieux, mais ça s’est soldé par l’arrivé d’un nouveau patron
qui pourrait être le jumeau de Harvey, les années en moins et le physique en
plus. Il a le même tic de maltraiter les réalisateurs concernant les finals
cuts …
- Tu sais Chad, tout ça, je le saurais bien assez tôt …
- Je te dis ça pour te prévenir.
Chad
alla s’asseoir sur un fauteuil du salon, à côté de la grande porte fenêtre.
Gabrielle repris rapidement la parole :
- Merci alors, mais je compte bien me débrouiller une fois
sur place. Tu sais quelque chose sur les autres acteurs présents ?
- Aux dernières rumeurs de couloir de chez Angelo, il se
pourrait qu’Asami soit de la partie.
- Tu veux dire, Asami, le japonais ?
- Oui.
- C’est vrai ? Mais, il est partout !
- S’il tourne encore un film, il a le palmarès du plus
grand nombre de films tournés en une année. Ca lui en ferait 5. 5 films en une
année, tu te rends comptes ? Toute sorte de film, des courts et longs
métrages, indépendant ou pas. On va le voir l’année prochaine dans les cinémas,
je te le garantis.
- Ca me ferait bizarre s’il jouait dans celui-ci. Je n’ai
jamais côtoyé de grande star. T’imagines, mon nom à côté de la star !
Incroyable. C’est l’une des plus belle journée de ma vie !
- Oh la, ne t’emportes pas, ce n’est qu’une rumeur … et le
concernant, les rumeurs sont toujours très nombreuses à cause de son
invisibilité dans les médias et autres …
Gabrielle
partit chercher un alcool au petit bar derrière le salon. L’agent repris la
parole :
- Tu sais ce que c’est … les acteurs sont partout
maintenant, et Asami est du genre à accorder des interviews avec parcimonie. La
presse l’aime, le public l’adule, et je ne comprends toujours pas pourquoi en
fait. Généralement, on a bien vu que les acteurs qui n’avaient pas de relations
avec la presse tombaient les uns après les autres. Prends donc les deux
actrices : Demi Moore et Meg Ryan. Les deux ont eu un succès fulgurant.
Quelques années après, puisqu’elles n’accordaient aucune chance aux
journalistes, elles ont finies leur carrière dans l’ombre.
- Je pense que c’est un truc en plus … tu vois, il paraît
qu’il a un magnétisme ce gars là. Tu sais, le genre de chose qui fait qu’on le remarque
de suite.
- Je ne sais pas. Il me paraît bien étrange pour une star
tu sais … enfin, il est trop renfermé.
- Sûrement.
Gabrielle
reposa finalement la bouteille de scotch qu’elle tenait à la main. Elle proposa
à Chad un verre :
- Tenté ?
- Non merci, j’ai du boulot, et la route … enfin, tu vois
ce que je veux dire.
Il
lui lança un sourire. Elle lui en fit un en retour.
- Toujours raisonnable.
- Il le faut bien non ?
- Tu as raison, mais lâche toi un peu de temps en temps.
- Pas au boulot.
Son
ton devenait amusé, il connaissait la réaction qu’aurait son amie. Il avisa
l’heure.
- Mince, je suis à la bourre, avec cette discussion …
- … File !
- A plus baby.
Il
partit rapidement, et Gabrielle entendit le moteur de la Mitsubishi
♋
5PM,
Daily Dream Building
Josh sortit son PDA. Cet objet était l’agenda moderne, la
chose que tout homme travaillant se devait d’apporter avec lui quand il allait
travailler. Il regarda le message qu’Andiron lui avait envoyé peu de temps
après son rendez-vous – calamiteux – avec celui-ci.
« De :
Steven Andiron Objet : Objectifs
Vous
devez me trouver Asami par tous les moyens ! Je VEUX l’exclusivité sur ce
qui se trame dans les couloirs houleux des maisons cinématographiques !
Vous me trouvez tout sur lui : Quelle lieux il fréquente, quelle personne
il voit, je veux même savoir avec qui il couche et qu’est-ce qu’il a mangé dans
la journée ! Vous avez compris ? JE VEUX UN SCOOP ! Vous êtes presque
le plus ancien journaliste qui travaille à la revue numérique ici, c’est donc
votre boulot, je vous paye pas à rien foutre pigé ? Si vous n’avez rien
dans 7 jours, vous irez chercher un poste dans un magazine de merde.
Daily
Dream Direction »
Le message démontrait deux choses sur la société : la
première était la politique agressive de la compagnie, et la seconde découlait
directement de la première : avec deux ans dans la boîte, Springton était
déjà l’un des plus vieux des photographes employé pour la revue numérique,
autrement dis la revue des nouvelles têtes. Ce que Josh savait, c’était que
s’il finissait par trouver une info sur l’acteur, il aurait une chance d’être
publié dans la revue analogique du journal, privilège réservé à quelques élus
qui avait un jour eu la chance de tomber sur une interview exclusive avant la
sortie d’un film, l’interview d’un chanteur qui quittait un groupe, ou encore
une autre exclusivité bidon qui faisait vendre le journal comme des petits
pains.
Il rangea son PDA. Il allait marcher jusqu’à la baie, non
loin du siège de la société, déjà relativement excentrée du centre des affaires
de Sydney. Il avança parmi les petites rangées d’arbustes méditerranéens, sur
l’allée dallée d’une multitude de petits carrés blancs. Cette allée était
représentative de la politique actuelle, remettre un peu de vie dans les rues
grises de la ville. Evidemment, du fait de sa mise à l’écart, le building avait
bénéficié d’aménagement spécifique tels que cette allée.
Sont
portable sonna à peine eut-il fait quelques pas.
- Springton
- Hey mec, c’est AC, je passe te prendre de suite !
- Qu’est-ce que t’as, un truc sur Asami ?
- Quoi ?! Non. J’ai rien sur lui, de quoi tu me
parles ?
- De ton mail.
- Ah, ça. T’en fait pas, t’as le temps pour ce gars là. Par
contre pour les filles sur la plage …
- Anton, arrête, je suis sur ce gars maintenant.
- Ah ouais ? déjà ? Mince, si j’avais su j’aurais
relevé l’endro…
- Okay, pas de problème, emmène moi voir
tes filles, j’ai pas envie de me prendre la tête avec ce type de toute façon.
- J’arrive dans deux minutes, je suis déjà sur la route, au
King Cross là.
- Je suis devant la direction du DD.
- J’y suis dans 2 minutes Joe, deux minutes.
Josh
raccrocha. Il ne voulait pas entendre d’avantage de choses sur l’acteur. Il
alla devant le parking public du bâtiment, et resta dans l’attente jusqu’à ce
que la voiture d’Anton arrive. Il s’arrêta en faisant crisser ses pneus sur
l’asphalte chaud. Une portière s’ouvrit. Josh vit son ami :
- Tu montes ?
- Une seconde, je vérifie un truc.
Josh
alluma son appareil pour voir s’il lui restait encore de la batterie. Il lui
restait encore 540 minutes pour des prises de vues. « Plus que
suffisant » se dit-il machinalement. Il entra dans la voiture.
- Met ta ceinture frère, j’ai pas de temps à perdre sur la
route pour des …
- Ouais, je vois ce que tu veux dire, fonce !
- Tu me connais.
Anton
eu un tic qu’il avait toujours eu, de ce que Springton avait vu. Il pencha
légèrement la tête vers la droite tout en esquissant un sourire en coin. Il
partit en trombe, refaisant crisser ses pneus et faisant monter le compte-tour
presque dans le rouge. Josh eu le prémisse d’un haut le cœur :
- Hé, vas-y tranquille quand même, j’ai pas envie de finir
dans un mur !
- T’inquiète pas, je maîtrise la bête ! De plus, j’ai
pas de temps à perdre.
- C’est pas une raison pour nous attirer toute la police de
Sydney sur nous.
- Ecoutes Josh, sois tu restes cool, sois tu sors de cette
caisse pigé ?
Le
photographe jurerait entendre son patron, mais dans une voiture. La ville
défilait sous ses yeux, le centre-ville passait, puis Carter pris la Great
Western
- Tu n’aurais pas pu prendre une autre route ?
- Sur l’highway, j’aurais pas de problème avec les
flics, et je peux foncer comme ça au moins.
Josh
soupira, il lui était déjà arrivé par le passé de s’être fait arrêter, mais
Anton s’était toujours montré avec un sang froid qu’il n’avait pas d’habitude.
Généralement, les « bleus », comme il les appelait, étaient
facilement influençables. Springton ne compris jamais comment il
pouvait influencer un policier, mais il semblait que sa technique marchait,
puisque son permis était toujours valide. Il continua sa route, passant à
travers North Sydney, puis Mona et enfin The Spit, puis tourna à droite vers Manly. Il se dirigea vers les Queenscliff et s’arrêta à Curl
Curl. Il arrêta sa voiture
et sortit, le journaliste faisant de même.
- Voilà, il faut qu’on se tape un kilomètre à pied, et on
arrivera sur une petite plage que j’ai repérée, là où sont les filles.
- Okay, mais dis-moi, pourquoi elles seraient
restées ?
- Tu connais le pouvoir d’Anton non ?
- Sur, mais quand même, dans un coin aussi paumé.
- Au pire, on repars vers la ville, on sur Bondi, il y a
toujours de belles filles là-bas.
- Ca me va.
Les
deux marchèrent jusqu’à la plage indiquée par Anton. Contrairement à ce que Josh pouvait penser lors du trajet, la
plage était nettoyée et propre, et non pas laissé à l’abandon comme la majorité
des plages en retrait. Il voyait trois femmes allongées, parmi d’autres
personnes en train de faire diverses choses. Certaines faisaient un volley,
d’autres nageaient … mais Anton partait vers les 3 allongées.
Il
les vit et se dit qu’il pourrait effectivement faire quelques bonnes photos
avec, mais se demandait quelle idée son ami avait en tête …
2.
♋
6PM,
King Cross streets, Gabrielle Leigh.
“… She keeps in mind all her past moments with them.
Scenario by Liz Hartford.”
Le scénario était sympathique, un peu adulte de ce que
Gabrielle en pensait. Une jeune femme qui monte dans le milieu du cinéma, puis
chute brusquement dans l’anonymat et arrive à retrouver sa place grâce à ses
anciens amis qu’elle a renié au point culminant de sa gloire. Cette histoire
pourrait tout aussi bien être la sienne, dans un futur plus ou moins proche.
Elle ne se sentait pas vraiment concernée, puisqu’elle n’était connu que pour
quelques rôles de seconde rang, voir même quelques participations dans « des séries abrutissantes pour
adolescents » (de ce qu’elle avait dit à un journaliste lors d’une
interview désabusée concernant l’une de ces apparitions.)
Son
rêve de gloire rayonnante pouvait enfin se concrétiser grâce à ce film, et si
la rumeur concernant l’acteur japonais se confirmait, elle voyait déjà un
tremplin qui ne pourrait que la pousser plus haut. Elle n’avait pas d’inquiétude
quand au film, puisque Asami ne tournait qu’avec des réalisateurs qui avaient
du talent, il n’avait jamais connu de faux pas, chose pourtant courante dans le
métier.
Le
scénario en lui-même était tiré d’un roman à succès de Robert Allen, écrivain
connu pour ses œuvres grand publics, mais aussi pour ses œuvres intellectuelles
que seule une élite lisait couramment, jugées trop alambiquées par les
critiques des magazines non spécialisés.
Elle avançait lentement, flânant dans la city, regardant
les devantures de magasins qui allaient bientôt fermer pour la plupart. Le
soleil était encore suffisamment haut pour na pas commencer à recouvrir la
ville de ce lent et inexorable voile de feu que donne le couché de soleil.
Elle
prit son petit portable-PDA, et rechercha le nom d’Asami sur le net, pour
trouver une biographie de l’acteur, pour savoir qui il était finalement, cet
acteur si mystérieux, pouvant faire vendre le moindre de cliché de lui des
milliers de dollars.
La
recherche donna une centaine de pages. Elle regarda rapidement les résultats,
et en trouva seulement une dizaine correspondant vraiment à ce qu’elle
attendait de cette recherche.
Elle décida de s’asseoir sur un banc en regardant ce que
le site donnait. La page se chargea instantanément :
生明 紅葉 Asami Kaede, 27 ans, acteur
Né à Broom dans une famille japonaise par son père et
australienne par sa mère, vivant modestement, Kaede Asami n’a jamais aspiré à
une lente marche vers les sommets. Marqué par les traditions japonaises, mais
également par « l’American way of life », il développa des
principes ambigus. Il partit lors de ses 18 ans aux USA pour poursuivre des
études en sociologie et psychologie qui auraient dues le mener sur une voie
honorable de cadre supérieur ou de spécialiste en Australie ou aux Etats-Unis.
Rencontrant une femme durant ses cours (elle suivait les mêmes cours de
psychologie), il arrêta ces dernières une fois ses diplômes en poche, et revint
à Broom dans sa famille, alors que sa petite amie était de Sydney. L’année
suivant son retour, il la suivit pour Sydney afin d‘y suivre des cours de
théâtre, cours qui étaient financés par les petits boulots de ce dernier sans que
celui-ci ne trouve d’emploi stable malgré ses qualifications. A la suite de ces
cours, Kaede Asami trouve rapidement un petit rôle de figurant dans une série
pour adolescent, puisqu’il eût ce premier rôle à l’âge de 22 ans. A 23 ans, il
tourne son premier film avec John Minghella – qui n’a aucune affiliation avec
Anthony Minghella, réalisateur du « Patient Anglais » et de
« Retour à Cold Mountain » - « Strike Through » film
d’auteur sur les mœurs des clubs de football américain dans lequel il joue un quarterback
particulièrement convaincant, puisqu’il joua à ce poste durant une année lors
de son passage aux Etats-Unis. S’enchaîne ensuite des succès critique et
publique. [cliquez
sur le lien].
Depuis, seulement 4 ans après son premier succès, il est devenu l’une des
figures du cinéma actuel, oscillant entre ses personnages attachant et plein de
vie, souvent ouvert aux autres, et sa vie privée si mystérieuse, dont il a le
secret pour la garder à l’abris des journalistes. Certains considère qu’il ne
vit pas dans la ville, d’autres plus fantaisistes aiment à dire qu’il vit en
réalité aux Etats-Unis, malgré les nombreux attentats que subissent encore les
villes de ce pays, n’ayant pas renoncé à la vie américaine qu’il connut durant
ses études. Peut-être que les deux opinions sont bonnes, personne n’ayant
jamais réussi à prouver sa propre vision de la chose.
Dernièrement il a tourné cette année 4 longs métrages, a
participé en tant que « guest » dans la série « soul mates »
le temps de 3 épisodes (lesquels seront bientôt diffusés sur ABC le printemps
prochain) et, selon la rumeur d’un employé proche du patron de Miramax, Max
Wood, participerait à un cinquième long métrage qui devrait être tourné prochainement.
Elle
ferma la page. Finalement, cet homme si célèbre n’était pas un fils de quelque
acteur, sinon une personne normale qui avait réussi dans le milieu pailleté du
cinéma actuel. Elle prit en note mentalement cette question : qui était
cette femme avec qui Asami était quand il arriva à Sydney ? Elle semblait
être aussi discrète que lui – il n’y avait aucun nom quand à la femme ayant
accompagné l’acteur dans aucune des biographies le concernant. Finalement, elle
se leva.
Elle regarda les voitures attendant le feu. Parmi elles
se trouvaient un joli cabriolet d’inspiration nordique. Elle pensa qu’il devait
s’agir d’un étranger, comme la plupart des nouveaux Sydneysiders, comme elle en fait. Elle essaya de
voir son conducteur, un homme typé, sûrement pas australien de pur souche à en
juger par ses yeux semi bridés. L’homme tourna la tête à l’instant où elle le
dévisageait, souris furtivement, détourna la tête et démarra à l’instant où
elle s’aperçut que ce dernier n’était autre que Kaede Asami.
♋
7PM, Hotel Choi Park-won, 紅葉生明 Kaede Asami.
- Monsieur Asami, je m’appel Anjel, je vais m’occuper de votre
maquillage pour la soirée.
Kaede acquiesça. Les
maquilleurs/maquilleuses formaient une race qu’il ne comprenait pas assez pour
dire quoi que ce soit sur leur métier. De plus, ils n’effectuaient pratiquement
aucune retouche sur le visage des hommes.
Anjel
pris un pinceau, le poudra avec quelques artifices et commença à
« l’étouffer » avec. Son teint
légèrement bronzé virait de plus en plus foncé, comme s’il avait fait une cure
de ces pilules ( Melotha …
methola ? … impossible de se souvenir.) qui donnent en une poignée
d’heures le résultat de longues journées de farniente sur une plage.
Il regarda rapidement les loges. Elles étaient jaune, un
jaune pâle entre le beige et l’or. Il se tenait en plein milieu d’une rangée de
sièges tous occupés par diverses stars ou présentateurs.
Il
reconnut rapidement Marcia Cross, l’actrice américaine, puis, un peu plus loin sur
sa droite, crut reconnaître Taylor Hich, vainqueur de l’American Idol de l’année 2006 … il commençait à
paraître vraiment âgé, même s’il avait déjà des cheveux gris à sa victoire,
alors qu’il n’avait que 29 ans. A sa gauche se tenait, en train de parler si
fort que toute la salle pouvait entendre, malgré le bruit ambiant de la ruche
qui s’activait autour de lui, les injonctions de Keira Knightey sur son maquillage, qu’elle jugeait
trop criant. Un peu plus loin, relativement silencieux se tenait Tom Cruise, dans un silence contemplatif,
regardant son portable tandis que la maquilleuse s’activait à passer poudres et
autres artifices. Tous était déjà âgés, mais la chirurgie esthétique avait
maintenue avec un succès époustouflant leur physique à celui des années 2000.
Tous paraissaient avoir 40 ans, ce qui n’était le cas d’aucun d’entre eux, et
30 pour l’actrice britannique et le chanteur.
Il revint à Anjel, qui venait tout juste de finir - à
peine vingt minutes de préparation lui auront suffit pour rendre Asami plus
photogénique. C’était chose faîte, en un minimum de temps. Kaede appela le
maquilleur avant qu’il ne parte :
- Anjel ?
- Oui monsieur ?
- J’aimerais savoir si cela serait possible de vous
employer, à mes frais, en tant que maquilleur exclusif.
- Je ne sais pas monsieur Asami, je pense que vous pouvez
arranger ça avec les producteurs de l’émission, ou quelqu’un qui s’occupe de
ça. Je ne sais pas à qui vous envoyer.
- J’aviserais, mais cela vous conviendrez t-il ?
- Je … c’est une question à laquelle il faudrait que je …
réfléchisse. D’habitude on ne me demande pas mon avis …
- Je sais, mais je ne suis pas habituel.
La
phrase de Kaede clôtura la conversation, et le maquilleur partit dans une autre
pièce. Il resta quelques instants sur son siège, regardant le travail accomplit
par l’homme qui se tenait à côté de lui une minute plus tôt. Il lui semblait
correct, masquant les imperfections naturelles de la peau sans toutefois le
transformer en un masque de carnaval de Venise, le teint blanc en moins.
C’était là la seule chose que Kaede redoutait, ne pas paraître bien au public,
puisqu’un acteur ne joue que sur son physique – et son talent sur scène, certes
– pour attirer les personnes dans les salles obscures, ou dans les théâtres.
Il
avisa l’horloge qui se tenait au dessus de la porte des loges. L’émission
commencerait dans 15 minutes.
L’émission de ce soir était un talk show nommé simplement
“Lola’s show” et animé
par la célèbre Lola Echanove. Evidemment, son nom de scène s’était vu réduit à
un simple “Lola”, pour attirer un public d’adolescents. Elle avait cette
habitude bien à elle – souvent copiée, jamais égalée – de réunir aussi bien les
minorités latinos que chinoises ou américaines de l’île principale de
l’Océanie. Sa maîtrise de 7 langues (Anglais, Espagnol, Français, Italien,
Japonais, Mandarin et Estonien (même si personne ne comprit ce dernier choix))
était pour beaucoup dans cette audience si élevée. A 30 ans, elle passait pour
une gamine de l’écran, mais les chiffres étaient avec elle, ce qui, depuis
quelques années, était grandement responsable du rajeunissement des animateurs
de la télé en général.
Cependant,
cette soirée n’était pas diffusée uniquement en Australie, comme dans la
plupart des cas. Cette fois, à cause d’Asami, elle était diffusée dans tout le
pacifique, et même en Europe, de l’Espagne à l’Allemagne, passant par la France la Grande Bretagne
Toutes
avec des sous titres, toutes diffusées en temps réel.
Tout
ramenait à l’acteur, qui n’avait pas accordé la moindre interview depuis une
année et qui devait assurer la promotion de 4 longs métrages tout en devant donner
quelques renseignements – croustillants – sur son apparition en guest dans «
Soul Mates ».
10 minutes. Le temps passait
rapidement, et tous étaient prêts. Hich vint à Asami avec un sourire et une
coupe de champagne :
- Alors Kaede Asami, ce coup-ci, plus
d’échappatoires !
- Je dois bien copiner avec le public non ? Ne
serait-ce que pour les films, que je trouve tous très bons, même s’ils sont
tous dans des registres différents, certains pour les studios, d’autres …
- Oh là, tu sais, j’y connais rien à tous ce charabia de
cinéma, moi je me contente de la chanson, et puis des interviews, des plateaux
télés etc …
- Je vois. J’aime pas trop les interviews.
- C’est vrai qu’on n’entend jamais parlé de toi dans la
presse, t’as un secret ou alors tu graisses la pâte aux boss ?
- Rien de tout ça, je suis invisible !
Kaede
eut le sourire prédateur qui effrayait généralement les personnalités qu’il
pouvait côtoyer. Cependant, le chanteur ne fléchit pas.
- Tu te débrouilles plutôt bien pour quelqu’un de discret,
il se passe pas une semaine sans qu’il n’y ait pas une news sur toi dans les
journaux. Tiens, par ailleurs, ce n’est pas toi là ?
- Comment ça ?!
Hich
tendit dans sa main un petit écran–hologramme, merveille de la technologie qui
pouvait produire une sorte de 3D sur une surface de deux mains. Sur l’image
plate (puisque les appareils photos pouvant prendre des photos en 3 dimensions
sont techniquement une utopie), on pouvait voir un homme de type asiatique avec
une chemise rentrer dans une voiture de sport blanche, avec un joli toit en
verre, d’inspiration suédoise.
- Je ne pense pas que ce soit moi, ha, ha, ha ! je
n’ai pas de …
- Allez, arrête ton jeu d’acteur, de toute façon ce sera
publié demain.
- Demain ?
- Oui, demain, certainement par un des gros E-mags :
DDreams, ou alors peut-être l’e-Vanity Fair, un truc du genre, je m’y perds
dans tous ces magazines.
- Tu en es sûr ?
- Certains.
- D’accord, merci, je dois passer un appel avant d’aller
sur le plateau pour le début. Merci encore.
Kaede
s’éloigna, pris d’un soudain sentiment de nervosité, un stress qui le prenait
aux tripes. Il sortit son portable, composa le numéro de Hélios Araki, son avocat.
- Hélios, c’est Kaede.
- Kaede ? Que veux-tu ? tu passes pas à l’antenne
dans 5 minutes ?
- Si, mais il faut que tu fasses un contrat en urgence. Un
contrat qui empêche les publications sans l’autorisation de celui qui est sur
la photo, tu vois le topo ?
- Je … d’accord, je tape ça, tu en as besoin pour …
- Ce soir, après le direct.
- D’accord.
- Merci.
- Kaede ?
- Oui ?
- Bonne chance pour ton direct.
- Merci.
Il
raccrocha, il lui restait une minute avant que l’émission ne commence.
♋
8PM, Hotel Choi Park-won 88th floor, 紅葉生明 Kaede Asami.
Les écrans renvoyaient l’image de la caméra en face de
Lola. Kaede se tenait juste à l’entrée de l’étage, il attendait, comme sur un
plateau de tournage, que Lola l’appelle. Les fils autours de lui étaient dans
un parfait désordre, et il devait regarder le sol à chacun de ses pas pour
s’assurer de ne pas détruire le travail d’Anjel et/ou de salir le costume d’Yves
Saint Laurent. Il disait volontiers ne pas aimer les costumes des faiseurs de
modes, mais il devait avouer avoir un faible pour ceux signés YSL. Il se
souvint alors du schéma de l’émission : premièrement, le générique, tout
en couleur à l’image de la présentatrice, ensuite arrivait son speech
accrocheur, et commençait alors les hostilités. Kaede était le dernier invité à
être convié au plateau, puisque l’audimat devait être à son comble lors de son
arrivée. Une sorte de clou du spectacle, de cerise sur un gâteau démesuré.
Le show commençait, la tension était palpable dans cette
atmosphère lourde secouée par deux ventilateurs de part et d’autre des deux
canapés. C’était là une autre fantaisie peu commune aux médias : loin des
tables d’interview ou des talk-show traditionnels où l’animateur se retrouve
opposé à/aux invité/s, Lola Echanove appréciait être au contact des gens avec
qui elle s’entretenait. Par ailleurs, elle ne s’asseyait que lors de
l’interview elle-même, préférant rester debout pour annoncer tel ou tel
lancement. On la traitait souvent d’increvable à cause ses incessantes ballades
entre le public, les canapés et les caméras, de telle manière qu’elle
entretenait une réputation de femme solide et fière, mais restant à la portée
de quiconque … la pire des engeances pour les animateurs rivaux.
A
ne pas en douter, elle devait avoir beaucoup d’ennemis dans le métier.
Kaede appréhendait, les impératifs se pressaient dans sa
tête (Le sourire d’entrée … les promos … pas de vie privée - pas de photos -
pas de questions trop ciblées – pas de ceci, pas de cela, rester décontracté …
DECONTRACTE ! – ne pas faire la grimace …) mais il savait que tout cela
passerait normalement comme à chaque interview qu’il avait donné par le passé.
Keira
Knightey vint à sa rencontre avant de rentrer sur le plateau, s’asseoir et
attendre les questions.
- Kaede Asami, pas vrai ?
- Hm, euh, oui en effet, lui-même. C’est la première fois
qu’on se voit en dehors des écrans de salles de cinémas n’est-ce pas? Ha
ha !
- Je crois que oui. Très bonne performance sur “Strike
Trough” … même si le titre n’était pas vraiment ce qu’on peut appeler un titre
de film.
- Merci, mais je n’ai aucunement influencé le choix du
titre ! De mon côté, je pourrais vous féliciter pour beaucoup de films.
J’aimerais juste savoir comment s’est passée lors de votre période
“Disney” ?
- Arrêtes donc avec les vous, ça fait pompeux.
Elle
ri. Kaede fit de même.
- Oui, comme tu veux.
- Donc tu veux savoir ce que j’ai pensé de la période
Pirate des Caraïbes en clair ?
Kaede
murmura une approbation.
- A vrai dire, le premier était un bon film, même si le
tournage était éprouvant. Quoique, il y avait une bonne entente entre Johnny,
Orlando et moi. C’était sans dire, puisque de toute façon on en a retourné un
deuxième, puis un troisième.
- Et donc, ce fut juste une bonne expérience.
- Oui, même si sur les derniers, c’était clairement Johnny
qui était la vedette, et plus l’histoire d’amour entre Orlando et moi. Mais on
avait compris que c’était lui qui faisait vendre, même si les gamins aiment un
peu les trois.
- Enfin, tu vas pas me dire que c’était clairement destiné
pour les gamins … je veux dire, il y avait aussi le marché ado non ?
- Oui, c’est sûr … mais Disney, ce n’est pas que Mickey et
compagnie, enfin, à cette époque, c’était pas que les gamins.
- Bien sûr … il fallait qu’ils rentrent dans leur fonds.
- Oui, voilà … désolé Asami, mais je dois y aller, c’est
bientôt à moi.
- A tout de suite alors.
Elle
partit rapidement vers la porte qui allait donner sur le « plateau ».
Les acteurs sont toujours plus ou moins
liés, et tous se connaissent. Les rencontres se font soit avec des intérêts
personnels, comme avec Taylor, soit par pur intérêt professionnel, à l’instar
de Keira, mais il arrivait quelquefois que l’intérêt porté soit relationnel.
Cependant, la majorité des cas se trouvait dans ces deux premiers ordres
d’idées.
Kaede observait maintenant les écrans
de télés, regardant le début de l’émission. Lola commençait son show, entrait
dans le sujet…
« So everybody, let’s the show begins! »